A l’occasion des premiers concerts donnés par l’ensemble Ruah, nous avons rencontré Katerina Blizkovska et Clémence Dujardin.
BN : Vous êtes, Katerina et Clémence, à l’initiative de la constitution de cet ensemble Ruah. Il s’agit d’un chœur mixte.
Katerina : En effet, nous sommes un chœur mixte à 4 voix et nous chantons a capella, ce qui signifie, sans instrument accompagnateur.
BN : Comment vous est venue l’idée de créer cet ensemble ?
K : Nous sommes toutes les deux étudiantes au Conservatoire. Dans nos études comme dans notre pratique musicale, on aborde beaucoup de musique sacrée, spécialement lorsqu’on étudie le chant, comme moi. Dans mon parcours musical, j’ai senti que c’était frustrant d’aborder cette musique et de délaisser le fait qu’elle soit justement sacrée. Ma rencontre de Clémence fut à ce titre assez providentielle dans la mesure où toutes deux, nous avons pu concrétiser notre désir d’aborder de manière sérieuse cette musique tout en nous laissant nourrir par le contenu chanté. Ainsi est né le projet de l’ensemble Ruah. Nous désirons aussi que notre travail, nos prestations, soient un lieu de rencontre, que différentes générations puissent se rencontrer, de même, que des personnes de milieu différent, de culture différente, même de religion différente puissent se côtoyer à cette occasion.
BN : Votre intention est-elle de proposer un moment de prière commune étant donné que les textes s’y prêtent ?
Cl : Les membres de l’ensemble ne sont pas tous chrétiens. Et nous ne voulons pas limiter notre projet à un public chrétien. Si bien qu’au lieu de parler de prière, on peut parler de témoignage : nous proposons une manière de dire, de faire et chacun accueille selon son mode de perception.
K : Ceci dit, lorsqu’on travaille ce répertoire, certains viennent me trouver en disant que c’est formidable, qu’ils ont l’impression de prier. Notre proposition est aussi un travail commun et une réflexion sur l’intention qui est la nôtre. Que voulons-nous transmettre à travers notre interprétation et notre présentation de cette musique ? Alors que les membres ne sont pas tous chrétiens et même croyants, que faisons-nous ensemble pour faire surgir la vie et la transmettre ?
BN : Quel est votre répertoire ? Les textes chantés sont-ils des psaumes ?
K : En effet, c’est exclusivement des psaumes.
BN : Le nom donné à votre ensemble est Ruah, un terme hébreu qui veut dire esprit, souffle. Cela rejoint doublement votre intention, d’une part étant donné le caractère sacré des œuvres chantées, et d’autre part étant donné que pour chanter, il faut du souffle.
Cl : Le souffle, la respiration, c’est la vie, c’est ce qui nous fait vivre. C’est en même temps discret et porteur de beaucoup de significations.
BN : Le moment est peut-être venu de dire chacune un mot de vous-même.
K : Je suis les cours de chant en musique ancienne au Conservatoire de Bruxelles depuis 2 ans et parallèlement, je suis une formation à Anvers de direction de chœur.
Cl : Pour ma part, j’étudie la flûte traversière. Je suis en Master 2 et je termine donc cette année. Ceci dit, j’aime beaucoup chanter. Et pour ce projet, à côté du travail du chant que j’apprécie beaucoup, je m’occupe de la coordination et aussi de la logistique, des contacts avec les personnes, de l’organisation des lieux, de la communication, des invitations aux concerts…
BN : Comment avez-vous fait pour rassembler suffisamment de personnes pour constituer un chœur mixte ?
Cl : Grâce à Dieu, nous sommes aujourd’hui 18 chanteurs.
K : Quand nous avions au départ le projet de constituer le chœur, nous nous sommes réunies toutes les deux juste avant le début des auditions. Nous étions six femmes et un homme. On se posait la question de savoir ce que nous allions faire… allions-nous devenir un chœur de femmes ? On a prié et le jour de la première répétition, nous étions au complet pour former le chœur.
BN : Quel est votre programme ?
Cl : Les œuvres s’étendent de de Lassus, compositeur belge du 16e siècle, à Daan Manneke, compositeur contemporain hollandais, en passant par des œuvres allemandes romantiques et des pièces françaises du 20e siècle.
K : Nous basons aussi notre programme sur un thème. Cette fois-ci, ce sont « Les psaumes ». Nous essayons donc de creuser cette œuvre d’art qu’est le livre des psaumes. Nous proposons un certain parcours et nous allons accompagner notre programme de chant de déclamations réalisées par un conteur, Raphaël Dachelet.
BN : En fréquentant ainsi les psaumes, quelle impression vous reste-t-il ?
K : Même s’il est encore trop tôt pour répondre, vu qu’il reste du travail de préparation à accomplir, une direction, une dynamique s’impose à moi et que je peux exprimer ainsi, comme nous l'a témoigné notre conteur Raphaël, qui cherche le fil conducteur entre les psaumes : « je te cherche, je t’espère et je te trouve ». C’est un appel vers Dieu. Les psaumes ont beaucoup de balancements, d’aller et retour, entre la nuit et le jour, les ténèbres et la lumière… Les psaumes choisis ont ceci de commun : chercher et crier. La musique aide à cela : la quête de l’homme et la réponse de Dieu, l’interaction entre l’humain et le divin.
Cl Le voyage que va nous proposer le concert est tellement empreint d’humanité. On a affaire à toutes les phases de la vie humaine soumises à Dieu. Il y a le cri, l’angoisse, la louange. Tout cela est profondément incarné.
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