26e Dimanche Ordinaire, année C (Lc 16, 19-31).
La parabole du riche et de Lazare peut avoir plusieurs lectures. Une lecture éthique où l’aspect de la relation entre Lazare et le riche peut être mis en valeur. Appelant ainsi à faire attention à ceux qui sont à nos portes. Cette lecture est évidement sociale et préconise non seulement, une éthique personnelle, mais nécessairement une éthique collective.
Il y aussi une lecture eschatologique. Il s’agit ici d’entendre les conclusions de la parabole. Où la Parole permet d’entrer dans la Vie. Ces lectures sont intéressantes, mais nous pouvons aller plus loin dans la découverte du sens.
Il convient de replacer la parabole dans la dynamique de l’Évangile de Luc. Elle fait suite à la parabole de l’intentant malhonnête. Cette parabole fait l’éloge de la relation, et prépare ainsi la parabole de ce dimanche. Celle-ci vient compléter la parabole précédente en donnant un sens ultime à la relation.
Le récit est centré sur deux personnages. Le riche et Lazare. Cette mise en perspective de deux personnages vient dans la bouche de Jésus apporter une critique. Comme dans la parabole de l’Intendant, la critique ne porte pas en premier sur la question de l’argent.
Rappelons qu’il faut entendre la parabole avec la conception de la richesse dans l’Antiquité, c’est-à-dire avant l’apparition du capitalisme à la fin du Moyen-Âge. La richesse dans l’Antiquité n’est pas le compte en banque ou le capital, mais le réseau relationnel. Comprenons que lorsque Jésus parle de richesse il ne parle pas de capital, mais il dénonce un tissu relationnel qui est excluant. Si l’on fait un saut dans le temps, à l’époque de Jésus, dans tout l’empire romain on construisait sa richesse non par l’augmentation du capital, par l’invention d’un produit, par une opportunité de business, mais par l’augmentation de sa surface socio-relationnelle, en faisant des alliances, des relations, des jeux de pouvoirs et d’influences. Le but étant d’avoir de la richesse par des alliances de pouvoirs.
La Parabole illustre ce schéma pré-capitaliste. Les relations sont l’origine de la richesse. Seulement, et c’est là où Jésus veut en venir, la question est de savoir comment se fondent, se créent, s’entretiennent les relations. La parabole de dimanche dernier nous a préparés à faire la critique du mode relationnel. Rappelons qu’à l’origine de l’affaire de l’intendant malhonnête, il y a une rumeur, une accusation. On ne sait pas si elle est fondée. Telle était la manière de déjouer des alliances pour s’enrichir : rependre des rumeurs, donner des accusations. Ici, on voit qu’il y a un autre défaut. Ce schéma laisse à la porte de nombreux pauvres. Ce que mendiait Lazare, au-delà de ce qu’il y avait sur la table, c’était une relation, une alliance avec celui qui était riche. La pauvreté de Lazare c’est son absence de lien. D’ailleurs l’image des chiens vient souligner que sa seule relation, c’est avec des animaux. La déshumanisation est totale, c’est la solitude qui appauvrit.
L’épisode de l’au-delà, vient éclairer et juger, cette manière de créer des relations. Car, la relation, ne s’arrête pas à la frontière de la mort. Au contraire, la parabole nous apprend que c’est la relation avec Abraham qui fonde la relation. Entendons par là, l’Écriture, la Parole de Dieu. Autrement dit, il y a un renversement des perspectives.
Si dans les sociétés antiques, on créait des alliances, des relations, pour survivre et vivre, Jésus enseigne que la Vie, la véritable Vie, est fondée sur une Alliance proposée par Dieu. Cette relation ne laisse personne à la porte. Bien au contraire, quand Dieu fait alliance c’est pour nous mettre à sa table. La parabole anticipe alors le repas pascal et ultimement le banquet du Royaume.
Alors, pourquoi une telle sévérité avec le riche ? Certes Jésus vient critiquer le système politico-économique de son temps. Il critique sévèrement parce qu’à l’opposé de son Père, ce système laisse des portes fermées et des tables interdites. Mais, si on comprend que ce que Dieu fait, nous sommes aussi appelés à l’imiter, à faire comme Dieu. Car, au soir du Jeudi Saint, à la table, Jésus dira ‘faites cela en mémoire de moi’. Cette mémoire, c’est que Dieu ouvre sa porte et met à table sans distinctions. C’est cela que rapport l’Écriture.
Aussi, cet Évangile est un vertige et un sérieux appel. Un vertige en contemplant la manière dont Dieu accueille. Un appel sérieux à faire comme lui.
Comment dans mes relations j’ouvre ma porte et je mets à la table de mon cœur ceux qui sont à ma porte ? D’ailleurs, n’y a-t-il personne à ma porte qui mendie une rencontre ?
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