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Témoignage de Claire Warichet-Buxin

Le 2 novembre dernier, Claire a donné ce témoignage pour la paroisse Sainte-Alix à Woluwe Saint-Pierre.



David, mon mari, est décédé le 25 avril dernier d'un cancer du pancréas.


Que puis-je vous dire de lui, de nous, qui puisse éclairer votre route, vous insuffler l'Espérance ?


David était jeune encore. Il avait la vie devant lui ! Né au sein d'une famille nombreuse où il avait appris l'amour du travail bien fait, la compassion et le courage, il était épris de justice, de solidarité, de combat pour l'écologie. Marié et papa de trois garçons, il avait le souci de les faire grandir, de les ouvrir au monde, de développer leur autonomie. Passionné de Dieu et des humains, il se sentait le frère de tous, et le fils bien aimé du Père. La vie avec David n'était pas de tout repos car il vivait à fond, et à fond pour les autres... mais la vie avec David était drôle, émouvante, riche, passionnante. Il avait le don de nous déranger, de nous interpeller, de nous faire bouger, changer de point de vue, grandir et avancer. Sans lui jamais je n'aurais fait un voyage de noces le sac au dos au bout du monde, jamais je n'aurais vécu en communauté, jamais je n'aurais appris à dire je t'aime en Chinois ou en Roumain. Dans ce contexte de vie là, croire en Dieu, croire que Dieu existe, que Dieu nous aime et nous veut heureux ensemble, ce n'était pas difficile pour moi.


Et puis voilà... la maladie s'est invitée en lui. Pas n'importe quelle maladie : un cancer réputé incurable, déjà au stade 4 de son évolution. Les questions ont surgi autour de nous, et parfois en nous : Pourquoi ? Pourquoi lui ? Quelle est la cause de cela ? Dieu peut-il guérir David ? Le fera-t-il ? Que souhaitons-nous demander à Dieu ?


Mais très vite, à la question du pourquoi, s'est substituée celle du comment. Car à la question du pourquoi, nous n'étions pas capables de répondre vraiment. Et la question du comment - « Comment désirons-nous vivre, traverser cette épreuve ? » - était beaucoup plus vivifiante pour nous. Elle faisait appel à notre créativité, à cet élan de vie en nous.


La réponse a été très spontanée pour David : il voulait vivre tout cela avec les autres et avec Dieu. Très vite, il a cherché à pouvoir participer à l'eucharistie tous les jours. Quand il n'a plus eu la force de sortir pour aller à la messe, les amis sont venus vers nous pour lui apporter la communion. Chaque visite était l'occasion d'un partage d'Évangile et d'un moment de prière. Pas un jour ne passait sans que quelqu'un vienne à la maison. Car dès la première annonce du cancer, nous avons communiqué largement avec nos amis et familles sur l'état de santé de David, et nous avons fait appel à tous. « Demandez et vous recevrez » dit la Parole. Il faut un peu d'humilité et une grande simplicité pour ainsi se tourner vers les autres et devenir celui qui demande et plus celui qui donne... c'est une expérience merveilleuse de se laisser aimer.


C'est ainsi que nos relations avec les uns et les autres ont été traversées d'une lumière nouvelle. Entre nous d'abord, en tant que couple. Notre amour nous est apparu tellement enraciné en nous que rien ne pourrait nous séparer vraiment... Avec nos enfants, qui ont fait preuve de tant de maturité et d'empathie ! Avec nos parents, pleins de délicatesse et d'esprit de service... Avec nos frères et sœurs, à la fois terriblement efficaces, complémentaires, et tout en sensibilité et compassion... Les amis n'étaient pas en reste. Émus, bouleversés, disponibles, ils ont témoigné chacun à leur façon leur amour et leur reconnaissance. Et la foi des uns et des autres s'est révélée avec pudeur, belle, profonde. La foi et l'amour sont venus au grand jour, et le meilleur de chacun s'est déployé comme une fleur au soleil.


Par ailleurs, David qui était Chercheur, n'a cessé d'explorer le champ des possibles afin de guérir. Dialoguant avec les spécialistes, mais aussi à l'écoute des propositions autres que celle de la médecine occidentale, il a voulu mettre toutes les chances de son côté. Pas pour lui-même, mais avant tout pour nous, sa famille, qu'il ne voulait pas abandonner. Si son combat pour la vie ne lui aura pas permis de guérir, il n'aura pas été vain pour autant. D'abord parce qu'il nous aura donné un exemple de courage et de volonté hors du commun. Mais aussi parce qu'il nous aura permis de gagner un peu de temps : celui de se dire je t'aime, de se dire merci, de se dire A Dieu.


Il y a 17 ans, naissait notre deuxième fils, Dorian (cadeau de Dieu). Sa naissance avait éclairé ma foi. Aujourd'hui, nous parlons de la mort de David, mais pour moi c'est aussi une naissance. David est décédé le jour même de mon anniversaire. Si bien que nous partageons la même date de naissance : lui au Ciel et moi sur la Terre. Car je crois que David est vivant. J'ai toujours cru à la vie éternelle, mais jamais de manière aussi puissante qu'aujourd'hui.


David était malade et maigrissait de plus en plus. Il prenait de moins en moins de place, il me semblait même qu'il avait diminué de taille. Il devenait de plus en plus dépendant, pour se nourrir, s'habiller, se mouvoir. Quand il est décédé, il était dans mes bras comme un petit enfant. Il a rendu son dernier souffle dans un soupir qui était comme un soupir de soulagement. C'était très doux. J'ai vécu ce moment avec une émotion intense, qui n'est pas sans me rappeler ses propres larmes lors de la naissance de chacun de nos enfants.


Je ne peux m'empêcher de faire le lien entre le passage de la mort et celui de la naissance. Nous ne pouvons pas voir ni vraiment savoir ce qui nous attend « après ». Mais nous pouvons le pressentir, et recevoir des signes, des messages, des intuitions concernant la vie éternelle. Je n'imagine pas cette vie-là comme éloignée de nous. David n'est pas dans « l'autre monde ». Il est, avec tous ceux qui sont déjà « passés », dans une réalité qui nous entoure. Ainsi, chaque jour, je prie avec David. Et je prie vers David. Je lui parle. Je lui dis que je l'aime. Je lui demande son aide. Je lui dis merci. Je lui souris. Je sens qu'il est fier de moi, de nous tous ! Je sens qu'il m'encourage, qu'il me veut libre, heureuse, audacieuse, généreuse de moi-même.


Tout ce que nous avons construit ensemble me porte et me protège. Mais c'est ce que nous construirons encore qui me donne la vraie joie.


David, mon doux, mon tendre, mon merveilleux Amour, j'espère être digne de toi, j'essaie de mettre des mots sur ce que nous vivons, pour porter au monde ta lumière.

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Karolina

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